Récemment, j’ai écrit un article plutôt long sur les dons charismatiques et sur le besoin de faire gaffe à ce que disent certains leaders charismatiques dans ce domaine là. Je me rends compte que je n’ai en fait pas vraiment parlé de quels sont les discours qui posent problème.
Aujourd’hui en me réveillant, je reçois un message de quelqu’un qui me dit: “Je suis dans un groupe où on a commencé une étude sur la guérison. Le mec qui conduit la réunion croit qu’en tant que chrétien on ne doit pas accepter d’être malade et qui si on est suffisamment proche de Dieu, on ne tombe pas malade. Pour ma part, ça ne me convient pas comme théologie, je ne peux pas me dire qu’un chrétien qui a le cancer, c’est à cause de son manque de foi, mais j’avoue me sentir un peu perdu pour expliquer mon point de vue.”
Je me suis rendu compte que dans mon post, c’est exactement contre cet enseignement là que je voulais mettre en garde, mais je ne l’ai jamais dit.
C’est beau de voir des gens désirer la présence et l’activité manifeste de Dieu. Malheureusement, aujourd’hui, ceux qui veulent grandir dans ce domaine finissent facilement par tomber dans les mains de gens qui enseignent des choses absolument atroces.
J’étais à un mariage l’année dernière où j’ai rencontré quelqu’un comme ça. La conversation était super, on voyait une soif pour Dieu et tout à coup, cette personne a commencé à dire que toute maladie peut être contrée par la foi et qu’elle n’aura aucune douleur lors de son accouchement parce qu’elle a la foi… C’est atterrant de voir une telle conviction d’une personne chrétienne pour un enseignement si faux et si dangereux. C’est frustrant aussi de voir que ce ne sont que les cessationistes et non pas les charismatiques qui contrent cet enseignement (alors qu’aux oreilles d’un charismatique extrême, les paroles d’un autre charismatique auront plus de poids). Bien sûr qu’on veut voir plus de guérison, on veut grandir dans la foi, prier plus, essayer de nouvelles choses, prendre plus de risques, mais cela ne doit pas nous empêcher d’avoir du discernement et de voir qu’il y a là non un enseignement légèrement ambigu, mais carrément faux et qui produit nécessairement de l’abus spirituel (« quoi, tu es malade? C’est parce que tu n’as pas la foi…! ») et qui aura pour conséquence des gens qui vont quitter l’église dégoûtés.
Alors, pour nous équiper pour répondre à cet enseignement qui, malheureusement, circule dans les milieux évangéliques et charismatiques, parfois vu comme une nouvelle révélation (que l’église de tout temps a tout simplement oublié, voire pire, étouffé), voici 6 réflexions en réponse au genre de discours qu’on entend.
1. « Ta foi t’a sauvé. » Il est souvent argumenté par ceux qui soutiennent cette position que Jésus dit aux personnes qu’il guérit: « Ta foi t’a sauvé. » Ergo, c’est la foi qui guérit. Ceci est mal comprendre le sens de ce qu’est la foi et de ce que Jésus entend: la foi n’est pas un pouvoir à manipuler, mais une confiance placée en quelque chose. La foi requiert un objet. Si on met notre foi dans notre foi… Eh bien, c’est un non sens. C’est comme mettre ma foi dans une boîte vide. L’objet de la foi est ce qui compte. Les personnes guéries par Jésus ont placé leur foi en LUI! C’est là que leur foi “avait raison”, et c’est pourquoi leur foi les a guéris.
2. “Tout le monde était guéri dans le Nouveau Testament!” Souvent ces gens soutiennent qu’il n’y a jamais eu de personnes malades qui n’aient été guéries dans le Nouveau Testament. C’est bien le cas avec Jésus, mais Jésus, c’est Dieu. Il est vrai que nous avons une autorité déléguée de lui, mais ça ne veut pas dire qu’automatiquement tout ce qu’on prie ou qu’on désire est bon et selon sa volonté. Sinon on est au même niveau que ceux qui disent qu’ils sont infaillibles. Le NT, au contraire, montre des exemples de personnes malades qui ne sont pas guéries. Paul a trois compagnons qui sont malades: Trophime (2 Tim. 4.20), Epaphrodite (Phil.2.25-30) et Timothée (1 Tim. 5.23). Dans aucun de ces cas Paul ne les condamne pour leur manque de foi, au contraire, il conseille un remède médical à Timothée.
Jacques 5.14-15 nous parle de personnes malades et que c’est le job des anciens d’aller les visiter et de prier pour eux. Dans ce passage, c’est la foi de celui qui prie qui est censée guérir le malade, ce qui est en contradiction avec l’enseignement qu’on dénonce.
3. « La maladie ne vient pas de Dieu!!! » vont s’exclamer certains. C’est-à-dire que tout ce qui est mauvais dans ce monde vient du diable. Dire ça, c’est tout simplement montrer une ignorance du texte biblique. La malédiction de Genèse 3 est prononcée par Dieu, non pas par le diable. Dieu est celui qui apporte les plaies d’Egypte (Ex.) et c’est encore lui qui le fera à la fin des temps (Ap.). Dans Job, Satan reçoit la permission de Dieu d’affliger Job de maladie. Celui-ci, qui est l’homme le plus saint de la terre et avec le plus de foi, reste malade sans explication pendant longtemps. Ses amis stupides cherchent à lui faire croire que c’est sa faute qu’il soit malade… Ca ne vous rappelle pas quelqu’un? Dieu finalement le rétablit et le message du livre est que Dieu peut avoir des raisons pour permettre la souffrance d’hommes et femmes justes qui nous dépassent, indépendamment de leur condition morale ou de leur foi.
Non seulement ça, nous connaissons plein mais plein de pasteurs, missionnaires, etc. qui ont eu le cancer, qui sont morts de maladie, mais qui ont montré une foi inébranlable dans la bonté et la fidélité du Seigneur, et même en croyant que Dieu pouvait les guérir selon son bon vouloir.
4. “Mais la malédiction est brisée!” Certes les effets de la malédiction de Genèse 3 sont renversés à la Croix, mais cette croyance, qui amène la fin des temps au présent, rappelle les faux enseignants qui disaient que la résurrection avait déjà eu lieu (2 Tim. 2.18). C’est une fausse eschatologie : ce n’est qu’après notre mort ou le retour de Jésus que nous allons recevoir un corps parfait. Si on devait suivre leur logique, il n’y aurait même plus d’acné, de flatulence, de hoquet, de coupures, de vieillissement, de besoin de dormir et de manger sainement, car ce sont des choses qu’un corps imparfait doit faire. C’est une fantaisie!!! (Et en corollaire, il n’y a plus de mariage non plus au Paradis, alors pourquoi s’obséder à trouver la personne idéale?)
5. “Cet enseignement n’est pas inspiré du Saint-Esprit!” La personne qui est prise dans cet enseignement écoute rarement des prédicateurs qui font de l’exposition textuelle, rarement des personnes qui ne viennent pas de leur cercle d’orateurs préférés! Ils ne vont pas apprendre des personnes qui étudient et comprennent la Bible mieux que ceux qui sont tout simplement impressionnants de par leur style. Ils pensent que l’Esprit de Dieu révèle de nouveaux enseignements qu’on ne saurait trouver dans la Bible en l’étudiant attentivement, ce qui est catégoriquement faux. Mais chez les charismatiques qui vivent dans le monde réel (c’est à dire des pasteurs qui voient la souffrance quotidienne et apprennent à vivre et prier dans ces contextes), on trouve de bons équilibres. Puissance Durable de Simon Holley, aujourd’hui traduit en français, très bon. Jack Deere, dans son livre Surprised by the Power of the Spirit contre également cette croyance néfaste au ch.11. Bill Johnson, la figure charismatique d’aujourd’hui par excellence, ne croit pas à cette théologie de guérison à tout prix !
6. “Mon Dieu ne ferait pas ça!” Finalement, cette croyance reflète bien l’esprit du monde d’aujourd’hui : la croyance que la vie devrait être toujours trop cool, facile, que le chrétien par excellence est un hipster avec un compte twitter avec 1’000’000 de followers, qui travaille préférablement dans une boîte d’informatique. Qu’avant que Jésus ne revienne, il va enlever son église pour que personne n’aie une égratignure lors de la tribulation. Cette croyance est détachée de la Bible, et ne s’y intéresse que pour trouver des versets isolés pour soutenir ses idées. Une église qui est conduite seulement par des jeunes en bonne santé et qui se gardent d’étudier attentivement le texte et de servir dans les hôpitaux, les maisons de retraite, où la maladie et la mort sont des réalités quotidiennes – seulement dans un tel contexte une folie pareille pourrait trouver un moyen de s’enraciner. Même moi, je suis trop gardé de ces réalités, que quand j’ai la gastro je me dis: “Pourquoi moi, Seigneur!?” aux toilettes… Ridicule. C’est un enseignement d’enfant gâté, arrogant, qui n’est pas de l’Esprit d’humilité de Jésus et du Saint-Esprit.
Justement, on oublie, à travers cet enseignement, que Jésus a promis la souffrance à ses disciples, et qu’Hébreux 12.7-11 nous enseigne:
Supportez la correction: c’est comme des fils que Dieu vous traite. Quel est le fils qu’un père ne corrige pas? Mais si vous êtes dispensés de la correction à laquelle tous ont part, c’est donc que vous êtes des enfants illégitimes et non des fils. D’ailleurs, puisque nos pères terrestres nous ont corrigés et que nous les avons respectés, ne devons-nous pas d’autant plus nous soumettre à notre Père céleste pour avoir la vie? Nos pères nous corrigeaient pour un peu de temps, comme ils le trouvaient bon, tandis que Dieu le fait pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté. Certes, au premier abord, toute correction semble un sujet de tristesse, et non de joie, mais elle produit plus tard chez ceux qu’elle a ainsi exercés un fruit porteur de paix: la justice.
C’est par amour que Dieu nous fait traverser des moments difficiles: les pasteurs et femmes de pasteurs que je connais qui ont eu le cancer ont grandi dans leur foi au travers de leur vécu, et ils peuvent aujourd’hui compatir avec les personnes malades et accablées, tout en priant pour leur guérison. Le poids de leur témoignage est plus grand.
En conclusion, ceci est un faux enseignement. Il n’a pas lieu d’être dans l’Église. Il est détaché des Écritures ainsi que de la réalité! C’est un enseignement destructeur et manipulateur, et il faut empêcher ceux qui l’enseignent de le transmettre car ça ne fera que du mal à l’Église à long terme. Apprenons plutôt la leçon d’humilité que Dieu veut nous enseigner. Apprenons à le louer au travers des difficultés et des souffrances.
En effet, nos légères difficultés du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire. (2 Corinthiens 4.17)
Par contre, prions TOUJOURS pour les malades et même plusieurs fois, avec foi que Jésus guérit aujourd’hui! Et nous verrons de grands miracles se produire!
* Article édité le 7 novembre 2019 pour le style et pour mettre à jour la publication de l’édition française du livre de Simon Holley.