Alors, qu’en est-il de cette fin longue de Marc?
Ceux qui n’auraient pas lu cet article d’abord devraient, après tout, celui-ci ne bougera pas en attendant.
Nous avons posé les bases pour dire qu’aucune variante des manuscrits néotestamentaires ne change le message de la Bible et que le texte précis du Nouveau Testament est bien préservé dans sa totalité à travers la chaîne de transmission textuelle des manuscrits au travers des siècles. Non seulement ça, on peut voir là où il y a eu des ajouts, erreurs de copiage et on peut confronter les différences et corriger les erreurs. C’est bel et bien le contraire du « téléphone arabe ».
Cela étant dit, nous trouvons, dans les variantes du Nouveau Testament, une petite partie de variantes qui sont plus ou moins grandes, généralement un mot ou une phrase (comme dit dans le post précédent des « expansions de piété » par exemple), qui ont un impact sur le contenu. Et parmi celles-ci, il y a deux grandes sections de plusieurs versets qui sont contestées par les experts: la fin longue de Marc et l’épisode de la femme adultère dans Jean (désolé pour les fans de ce passage, c-à-d pratiquement tout le monde!). Attention : parmi les plus de 25’000 exemplaires de manuscrits traduits et copiés dans le monde avant l’imprimerie, il n’y a pas de passage de Marc, de Romains ou autre qui enseignerait un autre message que ce que nous avons dans le NT, il n’y a que ces deux sections majeures qui sont sujettes à débat, et elles sont orthodoxes! C’est bien là une preuve incontestable de la préservation du texte biblique et de la foi chrétienne.
La majorité des Bibles publiées aujourd’hui mettront la section de Marc 16.9-20 entre parenthèses crochets ou les précéderont d’une phrase pour avertir que : « Certains des manuscrits plus anciens ne contiennent pas les versets qui suivent. »
C’est là que ça se complique. Bien que la grande majorité des manuscrits de Marc le contiennent, le passage est absent de deux des manuscrits anciens les plus importants: Sinaiticus (env. 350 ap.J.-C.) et Vaticanus (env. 340). Il est également absent de plusieurs manuscrits de traductions dans d’autres langues, ce qui montre que certains traducteurs n’étaient pas au courant de l’existence de ce passage. Il semblerait que très tôt, des copistes ont ressenti que la fin de Marc était un peu trop soudaine et quelqu’un a senti le besoin d’y ajouter un épilogue. En même temps, il semble que les chrétiens aient été au courant de cette insertion assez tôt : St Jérôme, le grand traducteur de la Vulgate (qui a vécu à cheval sur les IVè et Vè siècles) savait que le passage était absent de plusieurs manuscrits (White, p.317). Non seulement cela, mais il existe des épilogues différents dans d’autres manuscrits.
Ce passage ne change en aucun cas le message de Marc, ni du reste de la Bible: d’ailleurs, on dirait que le scribe à l’origine de l’ajout s’est tout simplement inspiré d’événements racontés dans Luc, Actes et d’autres parties des évangiles pour y mettre cette fin.
Pourquoi donc gardons-nous ce passage dans nos Bibles? Pour comprendre cela, il faut savoir quelques informations. Tout d’abord, jusqu’à la Renaissance, on lisait la Bible en latin, la Vulgate de Jérôme. Cette Bible qui a servi l’Eglise pendant longtemps contenait ces versets. Puis, Désiré Erasme a développé son Nouveau Testament grec à la Renaissance, sur la base d’un groupe très restreint de manuscrits, qui contenaient ces versets. Ce NT là a servi de base à la traduction de la Bible pendant longtemps. Les textes grecs d’Erasme provenaient d’une tradition de texte dite Byzantine. Depuis la Renaissance, tout plein de manuscrits ont été découverts et les plus anciens proviennent d’une tradition dite Alexandrine, qui ne les contiennent pas. Mais cela veut également dire que nos Bibles aujourd’hui sont basées sur des textes plus proches des originaux que ceux dont les Réformateurs avaient à disposition. S’il y a eu des ajouts et des problèmes de traduction, nous en sommes bien au courant aujourd’hui et nous pouvons faire confiance à nos traductions contemporaines. Bien sûr, comme mentionné dans l’article précédent, même si on mettait toutes les différences qu’on trouve dans ces manuscrits en opposition, le message du NT ne serait point différent. Je cite à nouveau James White:
Comme nous avons déjà mentionné, il est important d’affirmer que les différences entre les types de texte Alexandrin et Byzantin ne résultent pas en deux Nouveaux Testaments différents. Quelqu’un qui lit le Nouveau Testament tel qu’il est dans Codex Sinaiticus et applique au texte de bonnes méthodes d’exégèse arrivera aux mêmes et exactes conclusions que toute personne lisant un manuscrit Byzantin, écrit mille ans plus tard. (White, p.74)
Mais malgré tout ce qu’on sait sur Marc 16.9-20, à cause de sa tradition textuelle forte et du doute qu’on a relatif à son origine, il reste dans nos Bibles (néanmoins avec des parenthèses crochets, parce qu’au contraire de ce que disent les conspirationnistes, on met toutes les informations à disposition). On ne sait pas si Marc lui-même l’aurait ajouté dans une édition tardive, et vous me direz : « Quel est l’intérêt de cette discussion, compte tenu de tout ce qu’on sait ? »
Et c’est là que je me rends compte qu’il me faudra un troisième post pour répondre à cette question… Mais je vous assure qu’il sera très intéressant !
Ping La transmission du texte et la fin longue de Mark, dernière partie – Renaissance