« J’ai une confession à faire, » nous dit notre ami japonais le samedi soir après une journée de tourisme en Suisse, « je n’ai pas conduit une voiture à boîte manuelle depuis 15 ans. » On s’était mis d’accord qu’il allait emprunter notre voiture pour quelques jours en France et Italie, pour sa lune de miel.
Ce n’est pas grave, je pensais. Nous ferons un petit cours de rappel demain matin avant qu’ils partent.
Cependant, mon mari paniquait dans son coin. Comment est-ce qu’on ré-apprend à quelqu’un comment conduire avec la boîte manuelle, sur le côté droit en plus !?
Le lendemain, nous avons fait un petit essai. Ce n’était pas parfait mais notre ami était prêt à se lancer au défi, tandis que mon mari n’était pas sûr de laisser nos invités dans le péril des autoroutes franco-italiennes sans les automatismes d’un conducteur habitué. Pour une raison inconnue j’étais calme, mon esprit se préparait à visiter une autre église dans le coin genevois.
Joey et moi, nous avons l’habitude de visiter des églises quand nous sommes en vacances. Puisque nous faisons une pause avec nos rencontres du dimanche, j’ai pensé, pourquoi ne pas faire pareil sur Genève?
Notre arrivée tardive a fait que nous rations une grande partie de la louange, mais pour moi ce n’était pas grave, il y a plus à venir. Le prêche venu, j’attendais l’évangile avec impatience. J’avais fait l’erreur de présumer que dans toute église évangélique, l’évangile est central. Nous sommes restés sur notre faim, et d’ailleurs très confus.
Le titre ? « La puissance de … la déclaration. » Mon coeur s’est serré à ce moment-là.
S’en est suivi un prêche dont le message central était que déclarer des bonnes choses sur sa vie fait que ces choses vont avoir lieu.
Et la puissance de Dieu ? Du nom de Jésus Christ ? De la prière ?
Ceux-ci n’ont pas été mentionnés, de façon moindre en tout cas, comparé à l’accent mis sur la confiance en soi. Le pouvoir était dans la proclamation des bénédictions de santé, d’amitié, de famille, de travail, d’argent sur nos vies – basée sur les versets bibliques préférés de chacun.
On parle donc de versets biblique, mais sans leur contexte, sans apprendre aux gens comment les comprendre, ils sont dépourvus de leur vrai sens. Exemple :
Verset biblique cité | Verset biblique complet : Romains 4:17 |
Appelle à l’existence ce qui n’existe pas. (à l’impératif, avec pour sujet, les auditeurs) | En effet, il est écrit : J’ai fait de toi (Abraham) le père d’un grand nombre de peuples. Il est notre père devant celui en qui il a cru, le Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. (Sommes-nous Dieu?) |
À la fin du message, nous avons été invités à nous lever et lire un « credo » à voix haute. Son contenu : « Je suis attractif… je suis talentueux… je suis en bonne santé… », etc. Aucune nuance sur ce que nous sommes en Christ (bien-aimé, guéri, doté de dons, inclus dans ses projets) et ce que nous sommes sans Christ (rebelles, pécheurs, perdus, sans direction).
Après tout cela, on a invité ceux qui n’étaient pas encore chrétiens à faire une prière de conversion. À quoi donc est-ce qu’on se convertit, quand on a entendu un message centré sur soi, qui affirme que nos vies peuvent s’améliorer si on répète des mots, un salut par la déclaration ?
L’évangile (la bonne nouvelle) ne se trouve pas dans l’affirmation du soi (ou d’un désir), mais dans l’amour d’un Père divin qui nous affirme en envoyant son Fils sur terre pour nous ramener dans ses bras. C’est en lui que nous trouvons notre identité, notre bien-être et c’est de sa main qu’on reçoit toute vie, famille, amitié, santé. Pour le reste, « cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. (Matt 6.33) »
Vers la fin du culte, j’étais presque en larmes. J’étais plus inquiète pour les gens de cette église que pour nos amis dans une voiture et autoroutes inconnues.
La prédication est une responsabilité unique. Celui qui prêche donne la direction à son église. Nous avons donné la responsabilité de notre voiture à quelqu’un qui avait besoin d’un rappel, et là, nous voyions quelqu’un qui avait besoin d’un sérieux rappel. Dieu donne les clés à des leaders et leur demande de traiter leur rôle dans l’église locale avec humilité et soumission à sa parole, sachant que les enseignants « seront jugés plus sévèrement » (Jacques 3.1). Et quand on voit qu’une personne est en automatique alors qu’il devrait changer de vitesse (notamment, l’exposition du texte avant d’accélérer à un pas et dans une direction que le texte ne peut pas soutenir), on sent le besoin de les corriger. Ce n’est pas qu’on se considère comme meilleur, ou que ces personnes ne sont pas chrétiennes, mais ce genre de prédication finira par produire des chrétiens peu formés pour affronter la vie, la chair, la tentation et le monde – ou pour prendre des bons chemins.
« Merci, Joey, » j’ai chuchoté, « d’avoir prêché le véritable évangile fidèlement. » Même si ce n’est que pour une petite assemblée, pendant des années. Ce remerciement va également aux prêcheurs de notre famille d’églises Nouvelles frontières : merci. Aux autres églises genevoises qui continuent dans l’évangile malgré toutes les difficultés et la tentation d’attirer les gens par un message plus charnel (centré sur soi) : merci pour votre travail fidèle, votre persévérance.
Pendant ce temps de vacances, je vous encourage à vous voir régulièrement (même hors Vapiano), en petits groupes ou en un-à-un. Prions ensemble, louons Dieu ensemble, apprenons plus sur la Bible ensemble, afin de garder Jésus au centre de nos vies, et reconnaître tout message différent !